Le pouvoir de nommer

Photo par Neil Su @ Unsplash

Prologue (bruyant)

Il y a des cris qui restent loin dans la gorge. Comme des actes manqués, des gestes arrêtés à mi-chemin. Un jour, un moment, quelque chose ne marche plus et entre en dormance. Il y a des paralysies qui attendent de guérir, patiemment. Un jour, un moment, quelque chose marque une limite. Ce n’est pas un événement autant que la prise de conscience de cet événement, et de ses répercussions sur soi-même, sur des relations, sur les autres. Ça peut être un geste, qui transforme une posture, qui ranime une vieille douleur tellement présente qu’on avait oublié qu’elle était là. Ça peut être un mot qui se fait l’écho d’un autre mot, prononcé dans un souvenir qu’on avait soigneusement rangé dans un recoin de sa mémoire, et qui réveille une déchirure mal recouverte. Ça peut être un motif, un pattern, une petite mélodie qui vient se coller à une peine sourde qui avançait à côté de nous, à l’abri d’un rideau mince, et qui d’un coup ne peut plus être ignorée. Le rideau se déchire, et la vie devient différente. Cette différence, on peut la creuser, l’explorer pour la comprendre, la nommer.

Acte 1: Ce que nommer contient 

Qu’est-ce que ça veut dire nommer? Et qu’est-ce qui devient possible quand je nomme mon monde, ma réalité, ma vie, mon expérience, mes blessures, mes rêves? Et pourquoi? Quand est-ce que c’est le temps de nommer et d’apprendre ensemble, ou de prendre un pas de côté et de rentrer seul dans la matière obscure? Être humain, c’est tenir des multitudes au coeur même de mon corps.  Il y a en moi celui qui nomme pour décrire le monde que je vis. Qui essaie de faire du sens de ce que je vis. Qui essaie de sentir le monde. Qui étend mon vocabulaire d’émotions pour comprendre comment je vis et les systèmes qui me conditionnent. Celui qui nomme les expériences qui causent des déchirures, qui blessent et qui laissent des traces. Ces moments où nos blessures frottent contre celles du monde, contre celles des humains qui nous touchent. Je nomme les violences que vis. Je nomme les violences que j’inflige. Je nomme les violences dont je témoigne.

Il y a en moi celui qui veut regarder la vie en face, et nommer le monde et la vie que je veux. Les racines à partir desquelles je veux grandir. Les principes à partir desquels je veux diriger mes décisions. Les relations que je veux cultiver. Le travail que je veux faire. 

Il y aussi en moi celui qui découvre des éléments souterrains à la vie. Celui qui tient des rêves qui ne sont pas les miens. Des peurs qui ne m’appartiennent pas. Des gestes qui viennent d’un autre temps, que j’hérite d’autres générations. Des expressions de personnes disparues depuis longtemps. Tout ça me définit, et pourtant ça n’est pas moi. Et pourtant c’est totalement moi. Alors j’essaie de dépasser un état de confusion pour travailler avec ce qu’il y a en arrière: la honte, la haine de soi, le confort à rester petit, la joie de pouvoir connecter avec d’autres humains, la peur de mourir avant d’avoir vraiment vécu, le refus de détruire, le désir d’être un meilleur ancêtre, les monstres que je ne veux plus alimenter, les poisons que je ne veux pas ingérer, les toxines que je ne veux plus produire, les défenses qui ne servent plus, les murs rongés par des années d’infiltrations sourdes.  Je suis celui qui avance dans la vie en découvrant petit à petit ce que je ne veux pas. On procède par élimination de ce qui est toxique autant que par aspiration vers ce qui est désiré. 

Dans l’acte  de nommer, il y a un peu de ces trois moi. Je nomme le monde que je vis. Je nomme le monde que j’appelle, la vie que je  désire. Je nomme aussi le monde que je veux laisser aller. Être humain, c’est tenir ces multitudes. Plusieurs vérités à la fois. Des vérités parfois contradictoires. Quand je nomme, je prends conscience de ces fragments qui m’habitent et conditionnent comment je vis, les choix que je fais, les décisions que je prends, les priorités que je me donne, j’étends ma capacité à décider comment je vis ma vie. J’augmente mon pouvoir.

Acte 2: Tracer un cercle autour du soleil

Et pourtant, il y a aussi une violence contenue. Nommer le monde, nommer la vie est une violence. Une forme d’exclusion de tous les possibles qui restent. C’est une violence envers soi-même et envers le monde, qui assure la santé et l’intégrité de l’humain que je suis, et du monde que je ceux créer. C’est aussi un acte de respect et de bonté envers moi-même et envers l’autre. On s’enracine et on donne une matérialité au rêve. On trace une ligne, au-delà de laquelle ce qu’on est prêt à donner se dissipe. On ouvre un espace de choix. Mais il n’y a pas de manière de nommer le monde qui n’est pas aussi une violence.

Quand je nomme, je crée un espace de clarté. Je nomme ce qui est présent, ce qui existe déjà et est vivant dans mon expérience, dans mon corps, ces récits du soi qui appartiennent à quelqu’un d’autre. Un ancêtre dont la voix survit dans mon ADN, ou un moi de 14 ans, assis contre un mur de la cour du collège à chercher la recette de l’invisibilité. Je nomme le monde dans lequel je vis à l’intérieur, le monde qui existe en moi, et j’en suis déjà un peu libéré. La gifle reçue il y a des années perd de son élan, le visage de l’autre côté perd son pouvoir sur le présent. La parole émancipe et libère, et je peux devenir dans une nouvelle réalité. Quand je nomme mes rêves, mes désirs, mes aspirations, je crée un espace pour que des nouveaux possibles se déploient. Je trace une ligne entre ce qui vient avec moi et ce dont je ne veux plus.  Je crée un monde dont les contours m’appartiennent et ressemblent à ce que je veux être.

Quand je nomme, je trace les contours du monde tel que je le rêve. J’entre en position d’autorité face à ce monde et face à ce rêve. J’apprends à m’assumer comme créateur de possibles. J’apprends à prendre ma place dans le royaume du vivant. J’assume ma responsabilité en tant que détenteur d’une des clés du futur. J’ouvre un espace de prise de responsabilité pour moi-même, mais aussi pour les autres. Quand nommer s’accompagne d’un espace et d’une structure pour la prise de responsabilité, quand il y a un témoin pour entendre, voir et soutenir ma parole quand je nomme ma réalité, on entre dans une spirale ascendante. Mon pouvoir grandit. 

Acte 3: Quand j’oublie comment nommer

Parfois j’oublie cet acte de nommer mon monde, le monde dans lequel j’assume mon pouvoir. Je me regarde accepter ma responsabilité dans le monde sans décrire les limites du territoire sur lequel je prends cette responsabilité. Mais quel sens peut prendre forme quand l’objet est incertain, et quel pouvoir d’agir peut se définir sur la base d’une prise de responsabilité dont on ne sait pas ce qu’elle inclue? Dans ces moments, je porte le poids du monde sur mes épaules. Je me vois prendre sur moi ce qui ne m’appartient pas. Dans ces moments, on n’a pas de pogne sur le réel, et ça laisse peu de place à l’action. On est toujours en situation d’échec et ça paralyse. Il ne peut pas y avoir de vraie responsabilité s’il n’y a pas une délimitation du territoire de cette responsabilité, et cette délimitation se fait en nommant le monde qu’on vit.

Parfois je reste dans un espace de témoignage du monde de l’autre, sans nommer pour moi-même, sans prendre responsabilité sur les rêves qui nous élèvent. Je suis guetté par un autre espace de paralysie, un espace où vit l’illusion que savoir qu’un autre que moi nomme sa vie et partage une expérience est suffisant. Témoigner est un acte d’amour et de générosité, mais s’il n’est pas accompagné de courage et d’un désir d’agir, de trouver et de vivre sa propre vérité, c’est insuffisant. 

Acte 4: Quand je nomme pour l’autre

Qui suis-je quand je prends l’espace pour nommer? Au service de qui et de quoi? À partir de quel lieu est-ce que je parle? Quel est mon intention? La vérité du nom que je donne aux choses dépend de mes réponses à ces questions. Est-ce que c’est bien mon monde que je nomme? Est-ce que c’est bien ma vie et mon expérience? 

Quand une autre personne nomme le monde pour moi, je peux y voir l’ouverture d’un espace pour nommer ma réalité et trouver mon pouvoir. Quand une autre personne nomme le monde pour moi, je peux y voir un acte de témoignage et de générosité. Je suis vu, et être vu m’ouvre un espace pour prendre une place, ma place dans le monde.

Quand un espace s’ouvre à travers les mots d’un autre, quand cet espace est tenu et honoré, je peux devenir. Je peux étendre le monde de ce qui est possible. Mon pouvoir grandit. Quand je peux nommer le monde pour moi-même, les possibilités grandissent. Je grandis. Je suis seul à pouvoir sentir quand le moment est mûr pour nommer le monde, parce que c’est un geste qui change la réalité, et qui positionne une responsabilité envers moi-même que je dois pouvoir assumer. Personne ne peut décider pour moi quand c’est le temps.

Quand une autre personne nomme le monde pour moi, je peux aussi y voir une violence, l’expression d’une intrusion dans un monde et une réalité qui ne m’appartiennent pas, quand nommer contient un monde qui ne nous appartient pas et une expérience qui n’est pas la nôtre. On se coupe les ailes. Et on sort de la vérité. Quand une autre personne nomme le monde pour moi, je ne grandis pas. Je me contracte, et mon espace rétrécit. Au lieu de devenir et de prendre ma place, je me rétracte.

Épilogue (pour l’instant)

Nommer est un acte qui change la vie, qui peut changer le monde, et qui vient avec une responsabilité. Envers soi-même. Envers l’autre. Envers les générations à venir. Envers le monde qu’on rêve, et qui demande à naître. Vivre cet acte avec grâce, et avec courage, c’est apprendre à habiter notre capacité à grandir, c’est habiter notre devenir humain. 


Remerciements: À Elizabeth Hunt, Emily Churchill-Smith, Joshua Moses, dont les éclairs de sagesse habitent ce texte.

Guérir au présent, marcher avec les fantômes

D’abord, il y a la terre à préparer. Se battre avec. Monter les particules en spirale. Gouttes de sueur au front. Si l’argile est mal travaillée, des bulles d’air s’installent. Des creux se forment, des fractures invisibles. des incohérences, qui empêcheront la forme de devenir. Il faut y mettre le travail. Le même mouvement, répétitif, de tout le corps. Y mettre tout le poids de son corps, pour arriver à la terre lisse, uniforme, étrangement douce et agréable au toucher. Travailler la balle d’argile. Pour prendre soin des possibilités qui s’y contiennent. Pour prendre soin des devenirs. L’odeur change. Le toucher change. La couleur change. Ça sent bon. Ça sent la terre. Ça sent les possibles.

De quoi est-ce qu’on parle quand on parle de guérir? Qu’est-ce qu’on guérit quand la blessure touche le plus profond de l’être, ce fond d’humain en nous? Qu’est-ce que je deviens quand je suis guéri? Si mes blessures sont l’humain en moi, qu’est ce que je deviens quand je guéris? Qu’est-ce que je travaille, quand je cherche à guérir? Une fracture, une fêlure, qui fait que quelque chose, quelque part, ne tient plus. Quelque chose, quelque part, frotte contre mon être et crée une brûlure. Autour de cette brûlure, la chair est à vif, les infections se multiplient. Autour de cette brûlure, une croûte se forme, une corne se forme, ça devient dur, ça devient insensible. Ou ça gratte et ça rend fou. Autour de cette fêlure, je ne suis pas tout à fait entier. Autour de cette fêlure, je ne suis pas tout à fait moi-même. Je ne m’appartiens pas tout à fait. Je ne me reconnais pas. Il y a des brèches, dans ces brèches il y a « ça » qui rentre.

Quelque chose rentre, et c’est de la lumière qui rentre. Et ça réchauffe, et ça nourrit, et quelque chose peut vivre, pousser. Quelque chose sort de sa cachette. L’amour rentre, et l’âme sort de sa cachette. Quelque chose, rentre, vient se poser dans la brèche et adoucir les contours. Et je peux devenir. C’est la blessure qui invite à la rencontre, qui se laisse voir et témoigne de quelque chose qui est au coeur de l’humain en moi. Je te vois, tu me vois. C’est comme ça. Il y a de la beauté qui se place.

Quelque chose rentre, et ça peut aussi tuer à petit feu. Quelque chose rentre, et ronge les parois de la brèche. Une bulle d’air, et la fêlure grandit, et s’infecte. Trop, et la fêlure s’infecte. Pas assez, et la fêlure s’assèche, et s’infecte. Et ça casse, et ça brûle. Au début ça va. Et puis on devient de moins en moins soi-même. On brûle. Ou on s’enferme dans un cocon transparent. Ou on crée un masque. Des masques. Des armures. Des coquilles. Les autres continuent à nous voir et à nous toucher, mais on sait que ce n’est pas nous. Parce que ça fait trop mal de se faire toucher. Parce que le regard brûle. Quelque chose suinte, s’infiltre, et un peu de moi s’empoisonne. La blessure cache la rencontre. La blessure ne me rend jamais moins humain. Mais elle peut empoisonner.

S’asseoir devant le tour, encore sec, encore propre. Caresser une dernière fois la balle de terre, avant de l’écraser au centre. Collée, d’un coup, au coeur de cette roue qui tourne, d’abord lentement puis de plus en plus vite. Il faudra maintenant trouver le centre. L’eau sera mon amie. Mes deux mains ne se croisent pas. Le centre est un point qui se sent, avant de se voir. L’eau et la terre se mélangent.

La roue tourne, mais le centre reste élusif. J’oublie de respirer. J’hésite à utiliser le pouvoir de mon corps pour trouver le centre. J’ai peur de faire un faux pas, d’y aller trop fort. J’avance dans la peur de tomber. Ma main tremble. La terre n’a pas de forme. La terre n’a pas de pouvoir. Ne peut pas devenir. Il n’y a pas de devenir quand on est conduit par la blessure.

Quand je suis empoisonné, je peux en empoisonner d’autres. On se blesse les uns les autres. On se guérit les uns les autres. On vit les uns avec les autres. On devient au contact des autres. Quand je vis empoisonné par mes blessures,, elles viennent suinter sur mes relations. Seuls les gens blessés blessent. Et être humain, c’est avoir été blessé. Alors je blesse, tu blesses, il ou elle blesse, nous blessons, vous blessez, ils ou elles blessent. C’est ça qu’on fait. On blesse. Et on guérit, aussi. Si on peut blesser, on peut aussi guérir.

Il faudra maintenant trouver le centre. L’eau sera mon amie. Mes deux mains ne se croisent pas. Le centre est un point qui se sent, avant de se voir. L’eau et la terre se mélangent. La force du corps, qui vient donner une présence à ce centre. Donner un point d’immobile, autour duquel la matière peut se révéler à elle-même. Il y a ce mélange de douceur et de pouvoir. Besoin d’être les deux pieds ancrés au sol. Besoin d’être intégralement présent dans ce moment où le corps partage son pouvoir avec la terre. Respirer avec intention, ferme et doux à la fois. La terre et le corps se mélangent, et l’harmonie se pose par le toucher. Tout le corps penché sur cette intention, de révéler à l’argile son centre. La roue tourne, la forme au centre bouge. Mes mains lui donnent une structure. Cette structure se dessine autour du centre. Mes mains guident la matière. La terre devient. Les mains autorisent, quand elles sont puissantes. Assez puissantes pour donner forme. Assez douces et sensibles pour laisser le possible se déployer. La forme peut monter. L’eau est mon amie. La possibilité d’un objet apparaît dans le monde.

Alors. Qu’est-ce que ça veut dire, guérir?

Guérir, ce n’est pas refermer la blessure. Celle à travers laquelle passe la lumière, qui me fait rencontrer l’autre. C’est pas remplir la blessure avec autre chose pour remplacer la chair qui s’est déchirée, les bouts de vie qui s’en sont allés, les pleurs qui ont été ravalés. Guérir c’est apprendre à vivre. Avec mes choses. Avec les voix qui murmurent à mon oreille. Qui crient des fois, que je n’ai pas d’affaire à être où je suis, à rêver ce que je rêve, aimer qui j’aime, à être aimé. Que j’ai pas d’affaire à exister ici. Guérir c’est apprendre à vivre avec les fantômes du passé, quand on sait qu’au fond le passé n’est jamais vraiment passé. C’est toujours un petit peu, beaucoup, le présent. C’est toujours un peu du futur.

Quand la blessure, c’est d’être humain, de quoi est-ce que je guéris? J’apprends à accepter d’accepter d’être humain. Entier. Avec mes vallées et mes montagnes. Avec mes cavernes, mes gouffres et mes pics. Avec mes forêts et mes déserts. Avec les créatures qui me peuplent et les fantômes qui me hantent.

Peut-être que guérir c’est avoir un peu moins peur de nos fantômes? Peut-être que guérir c’est apprendre à marcher avec ses fantômes?

Peut-être que guérir, c’est comme apprendre à marcher alors. Un peu.

Peut-être que guérir, c’est apprendre à centrer de l’argile avec nos larmes passées, présentes et à venir.

On ne guérit jamais seul. On guérit toujours en relation. Relation à un soi-même qu’on était avant. En relation à un soi-même qu’on veut devenir. En relation. On invite la matière parfois, pour témoigner autrement. La terre, par exemple. Pour nous rappeler qu’il y a un monde de possibilités. Pour témoigner de la forme que je porte en moi, des rêves que j’habite quand je m’assois et que je touche la terre. Une autre personne, peut-être, me voit. Voit ce que je deviens. Et peut témoigner. Alors des fois, guérir, c’est peut-être bien me laisser accueillir dans cette relation. Me rendre à cet autre qui témoigne. Laisser témoigner, c’est laisser entrer. Sans condition. Sans attente.

Mais guérir peut aussi brûler. Laisser témoigner peut aussi brûler. Ça brûle parce que je ne peux pas guérir sans me laisser toucher. J’entre dans un espace paradoxal. Je ne peux pas guérir sans toi, mais être avec toi me brûle. Je te vois, je te reconnais. Je reconnais ta blessure. Je la sens, on s’est reconnus parce qu’on a su sans le savoir qu’on avait ça en commun. Et maintenant, je ne peux plus me cacher de toi. Il n’y a nulle part où courir. Il n’y a pas de masque qui me cache de ton regard. Il n’y a pas d’armure qui me sépare de tes gestes. Ta présence me guérit et me blesse en même temps.

Mais guérir peut aussi brûler. Témoigner peut aussi brûler. On se brûle quand on se touche, et quand on se touche on touche nos fêlures. Quand je trébuche avec le nouveau pouvoir que je me découvre, je te brûle. Quand je renonce à utiliser ce pouvoir parce que la vieille peur, la vieille blessure revient murmurer à mon oreille, il n’y a pas de structure qui peut tenir. Il n’y a rien à quoi se raccrocher. Alors on est emportés par la brûlure. Guérir en relation, ça fait mal. Ça brûle. Je te brûle.

Je ne serai jamais guéri. Parce que je ne finis jamais. Au moment où je le vois, au moment où je crois le comprendre, je est déjà un autre. Je n’aurai jamais fini d’arriver, parce que je suis déjà là. À ma place. En mouvement. Il n’y a pas de fin. Il n’y a pas d’état, de seuil au-delà duquel il y a la paix. Il n’y a que la trajectoire sur laquelle on est lancé, de laquelle on s’écarte ou on se rapproche. Parfois, des fois, souvent, je guéris. Des fois je guéris seul. Des fois je guéris avec toi. Des fois on guérit ensemble.

Des fois, l’amour nous aide à guérir. Des fois, l’amour c’est juste pas assez. Qu’est-ce qu’on fait quand l’amour, c’est juste pas assez pour guérir?

Peut-être que tout ce qu’il y a à faire, c’est refaire une boule de terre, la retravailler, la placer sur le tour, et apprendre à la centrer, avec la conscience de nos larmes passées, présentes et à venir.

ici-ailleurs

Étrangère, amie, sois la bienvenue ici.

« It’s too late. The world has already changed. »

— Mattina Kottis.

Ceci est mon blog. Pourquoi un autre blog?

Pour moi, en fait, avant tout. Pour me donner un espace où penser à voix haute, mais aussi parce qu’il y a des questions avec lesquelles on joue tout seul, mais qui souvent se domptent à plusieurs.

C’est un espace où poser des questions et ne pas trouver de réponses. C’est un espace où la pensée se précise. Où la théorie dialogue parfois avec la pratique.

J’espère que ça m’aidera à comprendre des choses auxquelles je me frotte dans ma pratique de facilitateur, médiateur, designer et, incidemment, juste d’être humain qui se confronte à une question sincère:

Comment on fait pour devenir un meilleur ancêtre?

Et si on peut y penser un peu ensemble et même mieux: expérimenter, ça sera toujours ça de gagné.

Comment agir quand tout est incertain?

Photo by Ishan @seefromthesky on Unsplash

Des voisins se regroupent dans un stationnement pour se préparer à agir devant une rivière qui monte et menace d’envahir des maisons jusque là protégées par les digues. Un groupe de citoyens, d’entrepreneurs et d’organisations rencontrent des fonctionnaires de la ville pour réfléchir ensemble à comment donner à tous les moyens d’accéder à une alimentation de qualité. Les parents d’une enfant diagnostiquée avec un trouble d’apprentissage se demandent comment cultiver un environnement où elle pourra s’épanouir pleinement, découvrir son pouvoir d’agir et vivre ses rêves. Une professeure veut décoloniser ses approches pédagogiques malgré la résistance de ses étudiants et l’inertie de l’institution dans laquelle elle est un rouage.

Dans notre vie quotidienne, dans notre travail, dans les histoires que nous portons avec nous et les responsabilités que nous acceptons en tant que citoyen, collègue, parent, enfant, nous sommes exposés à une foule de situations complexes qui nous appellent à faire des choix difficiles. Nous apprenons à naviguer des contextes où les problèmes et les questions qui se posent n’ont pas de réponses simples, immédiates, réplicables à l’infini.

Le premier dilemme est de se demander pourquoi intervenir? dans quelles circonstances c’est nécessaire? dans quelles circonstances ne pas agir est une action en soi qui porte aussi des conséquences, dont certaines sont prévisibles et d’autres imprévisibles? Comment on navigue tout ça?

Dans ma pratique de facilitateur, je m’appuie sur deux principes :

  1. « Fais confiance aux humains » — les gens avec qui je suis en conversation sont les experts de leurs contextes. Ils peuvent prendre la responsabilité de leur propre expérience, et peuvent faire leurs propres connexions entre différentes idées, questions, contextes. Ma responsabilité est de me demander comment je peux les soutenir au mieux pour mobiliser leurs expériences et leurs savoirs pour avancer avec sagesse, et comment je peux intervenir au service de l’intention qui structure le travail.
  2. “ La seule façon de connaître un système est d’interagir avec.” Ça implique une approche pragmatique qui lie l’action à la réflexion, et surtout un soin porté à l’intégrité des relations avec les personnes avec qui je travaille, qui me font confiance de ne pas créer de dommages.

Pour travailler avec des équipes ou des personnes qui doivent trouver des façons de s’adapter au changement rapide de leurs contextes d’intervention, mieux percevoir leurs réalités, apprendre de leurs actions et faire des choix cohérents, je m’appuie souvent sur les cadres théoriques de la complexité. J’ai appris comment voir nos enjeux à travers la lentille de la complexité nous invite à observer nos organisations, communautés et sociétés comme autant de systèmes vivants et à remettre en question ce que nous croyons être les sources, les solutions et les causes de lien à effet des problèmes auxquels nous faisons face. En somme, les approches ancrées dans la complexité nous soutiennent pour faire sens de notre réalité, avec toute l’ambiguïté et l’incertitude qu’elle comporte.

Cynefin

Cynefin est l’un de ces cadres sur lesquels nous pouvons nous appuyer pour comprendre les contextes dans lesquels nous sommes amenés à vivre, travailler, intervenir et prendre des décisions. Cynefin est un terme gallois sans équivalent en Français, mais dont la traduction littérale pourrait être “le lieu de toutes mes appartenances”. Ce cadre a été développé par Dave Snowden au tournant des années 2000 comme un outil à la prise de décision dans les organisations faisant à des défis d’adaptation. Aujourd’hui, Snowden continue à raffiner sa compréhension des possibilités ouvertes par ce cadre et des questions qui peuvent s‘y rattacher.

Prévisible vs. Imprévisible

Cynefin identifie en premier lieu 2 grands types de contextes à la prise de décision. Le premier est celui où les conséquences de nos actions sont prévisibles, où les liens de cause à effets sont clairs, où la réalité est ordonnée et où il est possible d’exercer un certain contrôle. Le second grand type de contexte à la prise de décision est caractérisé au contraire par l’imprévisibilité, par la difficulté ou l’impossibilité d’attribuer clairement des liens de cause à effet (ou seulement à posteriori: cohérence rétrospective), et par l’impossibilité du contrôle.


Il existe différentes façons pour intervenir dans un système et influencer sa destination selon qu’il correspond à une réalité prévisible ou imprévisible. Dans le cas d’un système prévisible, il est possible de mettre rapidement des solutions en application à partir d’une analyse rapide du système et de ses composantes, puisqu’on peut aisément tracer les liens de causalité entre des actions et des effets.

Dans le contexte des systèmes imprévisibles, on doit procéder plus par essais et observations pour comprendre les relations entre les éléments du système.

Dans les deux cas, on observe que les points d’intervention sur un système donné sont les limites, les attracteurs (les éléments qui attirent l’énergie) et les interactions entre les éléments qui constituent le système.

Les 5 domaines de Cynefin

Cynefin repère ensuite 5 domaines différents, chacun marqué par leur propre ensemble de caractéristiques:

  1. Évident.

Ici, les causes sont connues, et la solution au problème qui se pose est évidente. C’est le domaine de la sagesse populaire: n’importe qui peut résoudre ce problème, à tel point que la solution peut être automatisée. C’est le domaine des meilleures pratiques (il n’y en a pas 500), et la structure de la prise de décision peut être résumée ainsi:

Sentir -> Catégoriser -> Répondre

2 . Compliqué

Dans ce type de contexte, on a besoin de déployer plus d’énergie pour trouver des réponses à nos défis, mais ces réponses existent. On reste également dans des contextes où les causes et les effets peuvent être connus et démêlés.

Dans cet espace, c’est notre capacité à analyser qui va nous permettre de prendre des décisions avisées. Le recours à des experts nous est utile ici: c’est le domaine où on a besoin de gens qui sont déjà passés ici, le domaine des bonnes pratiques. La structure de prise de décision ressemble à ceci:

Sentir -> Analyser -> Répondre

3. Complexe

Ici, on passe à un autre type de contexte: on entre dans les domaines marqués par l’imprévisibilité. Il n’y a plus d’ordre. Dans le système de Snowden, les contextes complexes sont caractérisés par l’impossibilité de comprendre les liens de causes à effets. La cohérence ne peut être recontruite qu’a posteriori, et pas toujours: il est difficile d’attribuer un effet à une cause particulière, un impact à son origine. Dans ces conditions, il est impossible de savoir quelle action va fonctionner avant de se lancer. On parle de causalité non-linéaire, imprévisible et de cohérence rétrospective.

Le domaine complexe est un terrain d’expérimentation, où ce qui compte est notre capacité à entrer en questionnement, formuler des hypothèses, les tester à travers des actions qui nous permettre d’apprendre sans être inhibé par la peur d’échouer, et discerner des patterns qui gouvernent ce contexte. C’est aussi un terrain où on a besoin de croiser divers points de vue sur un même contexte pour diminuer les points aveugles de nos décisions: d’où la nécessité d’inviter la diversité, de faire circuler le savoir et l’expérience à travers des mécanismes de feedback puissants et d’avoir des pratiques fortes de dialogue.

Dans cet espace, la prise de décision est souvent collective et se fait par la construction de relations, le croisement des perspectives, la délibération, la création de sens commun. Dans cet espace, on ne cherche pas à résoudre des problèmes (c’est tout simplement impossible), on travaille à transformer les patterns qui gouvernent le contexte.

C’est le lieu des pratiques dites émergentes: elles ne sont pas reproductibles telles quelles, mais doivent être adaptées aux spécificités du contexte dans lequel on se trouve (temps, espace, culture, etc.).

Dans un contexte complexe, la structure de prise de décision ressemble à ceci:

Probe (essayer) -> Sentir -> Répondre

4. Chaos

Les contextes de chaos sont caractérisés par un haut degré de volatilité et d’instabilité. Ce sont des situations de crises, où les relations et les structures de soutien traditionnelles ne tiennent plus.

Dans ces contextes, aucun pattern ne peut émerger. Tout ce qui est possible dans ce genre de situation est d‘agir vite pour réinstaurer un niveau de contrôle en installant des contraintes trèes fermes, jusqu’à temps que des patterns puissent commencer à émerger.

C’est le territoire des équipes habituées à intervenir en temps de crise, avec des procédures très serrées, très entraînées. Dans le chaos on est amené vers des pratiques uniques à chaque contexte qui n’auront vraisemblablement jamais à être reproduites. La réponse se schématise comme ceci:

Agir -> Sentir -> Répondre

5. Désordre

Le désordre, dans Cynefin, est cette zone liminaire entre les quatre quadrants située au centre du cadre. Le désordre peut marquer tant le moment qui précède la caractérisation de notre contexte: on ne sait pas si c’est évident, compliqué, complexe ou chaotique.

Il peut aussi marquer un état où notre mode d’agir est incohérent avec le contexte dans lequel on se trouve. Chercher des solutions simples à des enjeux complexes nous amène dans le désordre (et parfois dans le chaos!)

Le désordre n’est pas un espace de prise de décision: il sous-tend que pour pouvoir prendre une décision on a besoin d’avoir conscience du contexte dans lequel on se trouve. Il y a toujours un moment, quand on arrive dans un contexte donné, où on est confronté au désordre. C’est un moment de non-savoir, d’observation et d’intuition.


Et maintenant?

En quoi est-ce que tout ceci nous aide à prendre des décisions et comment se situer en fonction des choix qui sont placés devant nous à chaque moment? Si l’on revient au point de départ, à savoir la distinction entre les domaines où la réalité est prévisible (évident / compliqué) et ceux où le désordre et l’imprévisible dominent (complexe / chaos), on constate qu’il y a des différences fondamentales. Dans les domaines prévisibles, les chemins à prendre sont balisés et reproductibles. C’est la sagesse conventionnelle qui importe ici: les règles héritées de la pratique. Pour faire nos choix, il importe de faire le bon diagnostic et de suivre les bonnes pratiques.

Les domaines imprévisibles, au contraire, sont caractérisés par l’impossibilité du contrôle. Il n’y a pas de solutions fixes et définitives, pas de réponses qui soient toujours vraies. Il n’y a pas de possibilité d’avoir une perspective complète sur le contexte. La seule certitude est que nos actions entraîneront des conséquences inattendues. Dans les contextes complexes, suivre les règles ne nous est d’aucun secours. Ce qui nous aide est plus de l’ordre des principes, basés sur des valeurs éthiques, et qui nous guident pour créer des interventions à faible risque et à partir desquels apprendre comment créer plus des effets que nous désirons et moins d’effets destructeurs dans les contextes que nous voulons transformer. Ici les règles sont remplacées par l’apprentissage par l’action.

Dans le chaos c’est au contraire paradoxalement l’établissement de règles simples, très strictes qui aident. Il faut créer des contraintes très serrées pour donner de la structure et sortir du chaos (par exemple, qu’est-ce qui arrive quand la digue lâche et que vous devez évacuer tout un quartier en quelques minutes?).

Cynefin nous propose une lunette pour s’interroger sur les contextes humains dans lesquels nous intervenons et sur les choix qui s’offrent à nous. Est-ce que le chemin à suivre est évident? Est-ce qu’une solution existe, qui peut être développée à l’aide d’experts? (compliqué) Est-ce que nous sommes dans un contexte où les problèmes n’ont pas de solution, mais beaucoup d’acteurs et de nombreuses perspectives? (Complexe) Est-ce que c’est une situation où il est tout simplement impossible de savoir ce qui se passe (chaos)? Quelques-unes des questions qui peuvent nous aider à nous orienter dans le désordre, ou à nous réaligner dans les quatre quadrants de Cynefin. Filtrer nos questions à travers le prisme de Cynefin nous aide à mieux comprendre nos contextes, prendre de meilleures décisions et avancer avec sagesse.

Remerciements:

À Bronagh Gallagher, Chris Corrigan, Elizabeth Hunt, Véronica Vivanco, Philip Deering, qui voyagent avec moi et nourrissent mes questions sur le monde, la complexité et ce qu’on fait avec. Cet article n’aurait pas été possible sans nos conversations, sans les histoires qu’on partage et les découvertes qu’on s’offre. “We are all the same height!”

Peut‑on changer la ville avec 100 actions en 1 jour?

Un jardin d’épices communautaire, une bibliothèque libre-service, un comptoir à samosas… Beaucoup de gens aimeraient réaliser un projet ou une activité qui améliorerait leur ville. L’initiative 100en1jour leur ouvre un espace pour laisser libre cours à leur créativité.

Cet événement est coorganisé par la Maison de l’innovation sociale, qui est un partenaire de la Fondation McConnell, ainsi que par la Ville de Montréal et l’Institut du Nouveau Monde. L’équipe du programme Des villes pour tous est fière de partager les leçons tirées de l’édition 2018 de 100en1jour et a hâte à l’édition 2019.

Qu’est-ce que 100en1jour?

L’idée est simple : 100 actions réalisées par des citoyens ordinaires, comme vous et moi, pour créer la ville dont nous rêvons.

Pourquoi toutes le même jour? Pour que les acteurs de changement puissent, ce jour-là, se joindre aux autres amoureux de la ville et sentir qu’ils font partie d’un mouvement de transformation communautaire où l’union fait la force. C’est un jour pour se rassembler, pour participer à ce que certains appellent un « festival de création ». D’un océan à l’autre, des centaines de citoyensposent en une seule journée un geste pour améliorer leur ville. En 2018, près de 800 actions ont été effectuées à l’échelle nationale.

100en1jour est le prototype d’une ville créée par ses citoyens. Il s’agit d’unedémarche citoyenne qui permet à chacun de réapprendre à habiter sa ville, de manière consciente et festive. Les actions peuvent prendre diverses formes, que ce soit un grand ménage de rue, un atelier de création participative pour trouver des solutions aux petits et grands problèmes d’un quartier, une marche animée pour explorer le potentiel de l’espace public, un échange de vêtements ou encore un atelier de fabrication de cartes postales pour souhaiter la bienvenue aux réfugiés. Chacun est libre d’organiser l’activité qu’il veut, à l’endroit et à la période qui lui conviennent, tant qu’elle est ancrée dans l’altruisme et dans une vision dela ville commeun lieu où la vie et les gens peuvent s’épanouir.

Bâtir la ville en retissant des liens

Nous nous tenons sur le trottoir, coin Sherbrooke et Beaconsfield, à Montréal. Sous une tente, des personnes sont assises autour d’une table couverte de matériel d’artisanat. Elles fabriquent des cartes postales pour souhaiter la bienvenue aux nouveaux immigrants et réfugiés. Les visages sont souriants. Les échanges sont animés. Des enfants courent partout. Les rires fusent. Sur chaque carte postale, un conseil ou quelque chose que la personne qui l’a fabriquée aurait aimé savoir lorsqu’elle est arrivée ici. Des liens de solidarité se tissent. Les nouveaux arrivants et les personnes qui les accueillent sentent qu’ils existent et qu’ils sont importants.


Nous sommes dans une église de la Petite-Bourgogne. Un groupe de personnes partage du pain. Toutes sortes de pains,préparés selon différentes traditions. Des ronds, des longs, des plats, des moelleux. Tout le monde les voit, les accepte et les goûte. Écoute les histoires qu’ils portent. Que tous ces pains différents aient pu se retrouver sur cette table, dans une église montréalaise, est un véritable miracle qui laisse entrevoir quelque chose de profondément ancré dans le quotidien de la ville. Comme me l’a dit un jour Philip Deering, un aînéHaudenosaunee de Kahnawake : « Nous avons tous la même taille ».


Tous ces projets qui s’inscrivent dans le mouvement 100en1jourracontent l’histoire d’une ville que les gens aspirent à habiter. Ils témoignent d’une soif d’échanges interculturels féconds, d’un besoin d’avoir un lieu offrant de multiples possibilités d’interaction entre les cultures.

Une grande variété de cultures coexistent à Montréal et façonnent son tissu social. Vague après vague, les immigrants ont fait de la ville ce qu’elle est aujourd’hui. Selon le Bulletin de la Communauté métropolitaine de Montréal, plus de 85 % des immigrants du Québec habitaient Montréal en 2013. La diversité est devenue une marque distinctive de la ville, de même qu’une source de fierté pour ses résidents.

Malgré tout, les actions de 100en1jour visent souvent à mettre en évidence des besoins que les citoyens souhaitent combler, tout en proposant des façons d’y arriver. Elles révèlent le manque d’espaces, délimités ou non, favorisant le dialogue entre les personnes de différentes cultures.

Toutefois, les citoyens qui ont déjà tissé des liens avec de nouveaux arrivants et avec les différentes cultures et communautés de la ville ne ressentiront peut-être pas le besoin d’organiser eux-mêmes des activités visant à renforcer ces liens. Malgré l’amour de la diversité qu’affichent en général les Montréalais, les actions posées dans le cadre de 100en1jour dénotent aussi la présence d’une certaine fracture ou distance. La ville pourrait-elle ne pas être aussi ouverte à la diversité qu’on le prétend généralement?

On constate ainsi une tension entre les valeurs communes professées par les Montréalais, soit l’inclusion et le respect de la diversité, et ce qui se passe vraiment dans l’espace public, notamment la fracture sociale. Cette tension recèle cependant un potentiel créatif, parce qu’elle peut motiver les personnes qui chérissent ces valeurs à imaginer des solutions et à agir.

L’initiative 100en1jour est néed’unequestion : que devrions-nous faire pour créer la ville que nous rêvons d’habiter? Étant la somme de petites interventions de citoyens ordinaires, lesquelles constituent autant de prototypes de la ville qu’ils aspirent à habiter, 100en1jour ne manque pas de réponses à cette question. Pendant cette journée d’actions créatrices, les participants revendiquent le monde dont ils rêvent et composentensemblele prélude de l’histoire qu’ils veulent vivre.

Pour faire de la ville un espace commun, il faut trouver des façons d’en prendre soin ensemble, ce qui est impossible sans des communautés soudées qui se définissent par un liend’appartenance à un territoire. Cela dit, un tel renforcement des identités communes demeure un exercice délicat, qui doit se faire en évitant de dévaloriser la culture propre à chacun.

Un engagement profond

Ces exemples de Montréalais qui accueillent de nouveaux arrivants ou partagent du pain sont une fenêtre ouverte sur une ville d’avenir où la diversité fait partie intégrante du quotidien. Chacune des interventions permet à des concitoyens de différents horizons de passer du temps ensemble. En passant à l’action, les participants lancent des projets qui répondent à des besoins qu’ils perçoivent et qui s’inscrivent dans leur quête d’inclusion et d’unité.

Ces projets citoyens reposent sur des mécanismes d’engagement civique et de cocréation plus complexes que ceux auxquels font appel la plupart des autres projets de développement urbain. Ils offrent l’occasion d’aller à la rencontre d’autres personnes et de faciliter leur intégration là où elles vivent, de valoriser leurs expériences et de reconnaître leur droit à une vie épanouie. Cela nécessite cependant d’être curieux et ouvert à d’autres réalités et expériences. Cela nous appelleaussi à raconter noshistoireset ànous assumerdans nospropresexpériences de vie.

Il serait naïf de croire que, parce qu’elles sont l’œuvre de citoyens, ces actions peuvent être organisées par n’importe qui. Le fait est que, bien souvent, les personnes qui prennent part à de telles actions participatives sont déjà motivées par le désir d’agir et ont déjà accès aux ressources nécessaires.

En tant que société, nous nous devons de corriger le tir. L’initiative 100en1jour permet de faire un pas vers les personnes différentes de nous et de combler une partie du fossé qui nous sépare d’elles et nous empêche de nous réaliser pleinement. Ce n’est toutefois qu’une partie de la solution. Bien qu’il ne faille pas exagérer les résultats d’une telle expérience, nous pouvons nous réjouir du fait que des gens prennent la peine de faire ce premier pas pour renforcer leurs liens avec les autres, même si ce n’est que l’espace d’un jour.

Les expériences et démarches d’innovation collective telles que 100en1jour reposentsur le pariqu’il existe enchacun denous une volonté et un désir de nous ouvrir à l’autre et à sa différence, etque nous pouvons y trouver duplaisir. Si le pari nous donne raison, cela nous ouvre un espace pourdécouvrir quel’amourpeutêtre une pierre angulairepour la création de communautés solidaires et tournées vers la vie.

Can 100 actions in 1 day change the city?

A community spice garden, a take-a-book, leave-a-book library, or a samosa stand. Many people have a project or an activity that would make their city better. 100 in 1 day brings all of these together. 100 in 1 day is an event co-created by La MIS, City of Montreal and the Institute du Nouveau Monde. La MIS is a McConnell partner and Cities for People is proud to share learnings from last year’s 100-in-1-day as we look forward to 100 in 1 day 2019.

What is 100in1day?

The idea is simple: it stands for 100 actions by regular citizens, like you and me, to create the city of our dreams.

Why all the same day? So that all intervention leaders can feel the presence of all the other city lovers with them on that day, experience being part of a community of transformation and feel the power of numbers. In this day we are all together, engaged in what has sometimes been called a “festival of doing”. From coast to coast, hundreds of residents set to take action to make their cities better. In 2018, almost 800 interventions took place across the country.

100in1day is a prototype of a city that is made by its citizens. It is a practice of stewardship for all of us to re-learn to consciously inhabit the city in a spirit of celebration. These actions can take the shape of a community clean-up, a workshop to crowdsource solutions to big or small issues affecting a neighbourhood, a curated walk to explore the imaginary possibilities of a public space, a clothing swap, or a workshop to write a postcard to welcome a refugee. It can be anything you want, wherever you want it, for as long as you want, as long as it is rooted in a deep sense of care and imagination of a city as a place where life and people can thrive.

City-making as re-connecting

We are standing on a sidewalk at the corner of Sherbrooke and Beaconsfield in Montreal. A group is sitting around a table under a tent with arts and crafts material. They are crafting postcards to welcome newly arrived immigrants and refugees. Smiles abound. Conversations are alive. Children are running around. Hilarity ensues. Each postcard holds a piece of advice, or something that they would have liked to know when they themselves first came here. Care is flowing from one human to another. Newcomers and welcomers feel seen and valued.


We are in a church in Little Burgundy. A group of people is sharing bread. All kinds of bread, from many different cultures. Round, long, flat, and even fluffy breads. They are all seen, and welcome, and tasted. Bread carries stories. How these different breads got to be laid on the same table, in a Montreal church, is nothing short of a miracle. It hints at something deeply ingrained in the daily fabric of this city. As a Haudenosaunee elder from Kahnawake once told me : « we are all the same height ».


These projects are all part of the 100in1day interventions that tell stories about the city people aspire to live in. Looking at these actions, we can see a desire for generative intercultural exchange. A place where people can find multiple opportunities to interact across cultures.

A wide diversity of cultures coexist in Montreal, shaping the social fabric of the city. Wave after wave of immigrants have made the city what it is today. In 2013, Montreal was still home to more than 85 % of all immigrants living in Quebec, according to the Bulletin of the Metropolitan Community of Montreal. Diversity has become a key feature of the identity of the city and a source of pride for Montrealers.

And yet the power of 100in1day is often to point out gaps that citizens want to fill, while providing examples of how to fill them. These initiatives point to a lack of formal and informal spaces for dialogue between cultures and people.

Citizens who already connected with newcomers and the city’s different cultures and communities might not feel the need to independently organize events to strengthen these connections. These initiatives suggest that even though Montrealers advertise a love of diversity, the city is also sometimes fragmented and disconnected. Perhaps the city is not as open as the prevailing narrative around diversity would seem to indicate.

It highlights a tension between what Montrealers embrace as a collective value (inclusion and an appreciation for diversity) and what is really going on in public space (a fragmentation of communities). It is a creative tension, because it has the potential to move people who hold that aspiring narrative as a core value into creative thinking and action.

100in1day asks the question, what would we need to do to create the city you want to live in? The answers to this question are everywhere in 100in1day, as regular citizens get to design these small interventions that work as prototypes of the city they want. Through their creative actions on that day, they manage to name the world they want and take a first step towards living in the story they aspire to.

Building the city as a commons requires that we develop practices to care for it collectively, which cannot happen without strong communities defined by collective belonging. This requires a tricky dance of strengthening shared identities without devaluing one’s own specific culture.

Going deeper

These snapshots of Montrealers welcoming newcomers or sharing bread together, point to a vision of a future Montreal where diversity is intimately woven into everyday life. Each of the projects creates a shared moment between people who come from different horizons and share the same space. They involve citizens that step up and prototype ideas that fill a need that they see and an aspiration they have towards inclusion and wholeness.

Citizen led projects involve deeper processes of civic-engagement and co-creation than most city-building projects. They are an opportunity for people to meet and include others where they are, see the value of their experience and recognize their right to thrive in the city. It requires curiosity and openness to different realities and experiences. It also requires us to be able to tell our story and own our own experience.

We cannot be naive, and just assume that because the actions are designed and led by citizens, anybody can do it. We need to acknowledge that the people who participate in these spaces tend to be people who already benefit from a wider sense of agency and tend to already have access to participation spaces.


That, in itself, is part of what we collectively need to heal. 100in1day is a step towards engaging with people who are different from us, and repairing some of the fragmentation between us and within ourselves. It is not the endgame. But while we should stay honest about the outcomes, we can also celebrate the fact that people are making that first step for themselves towards developing stronger relationships with others, even if it is just a one-day experiment.

Experiments and processes in collective imagination such as 100in1day show that we want and need to engage with difference and we may have some fun along the way, and find out that practicing love is a pretty good design principle when it comes to building strong communities that serve life.

Living in between

Image by Michael Grab @ Gravity Glue

“We shall not cease from exploration. And the end of all our exploring will be to arrive where we started and know the place for the first time …” (TS Eliot,The Four Quartets)


I come alive

in hearing the flock of voices within myself.

I enter a conversation with allies

who walked the path and stayed in the question

a fire is burning bright and warming me up

from the inside out

what will help me tend the fire?

this has been and will be

a search for the paradoxes

hearing the voices

from the singular to the plural

and as I am tending

the fragical

I carry my own contradictions

as I am embracing the whole and the many

as I am embracing the whole and the many

and as I am tending

the fragical

I want to ask the wisdom of the fire

about the guiding thread in all we do

about the different colors of the fractals

and I want to ask the wisdom of the fire

how do we come back towards simplicity, without simplifying what is complex?

like a process of removing layers, to finally reach something essential

something that that lives with us

and that we carry as we sit with our fellow human beings.

I want to ask the wisdom of the fire

what it is that shakes me

what it is that I need to care for

what is alive in me that can light the life in others

I want to ask the wisdom of the fire

how do I tend to the fragical?

as a living being in a living context

surrounded as I am by the wave


I boarded a ship

to learn to stay in the question

yet keep looking for answers

and in that work I am not alone

there are old friends who have walked that path

and who told their stories about the journey

questions flare up, left and right


I came up and I came down

I find the wave

I feel compelled to play and to question the play

I wake up to the grey zone

where togetherness transpires

I look around, and I look inside

and I am off-balance

I look at others, and I look inside

and I find discomfort

and I find comfort

simplicity can make us travel to rich lands

and bring us back to questions

brings me to the difference I may fear to face

that lies beyond words


we found mountains

to climb

we panted and sweated

our mouths were thick and pasty

as words were bleeding

silence became pregnant

I crawled in the space between words

I dreamt of battles with ghosts

I dreamt of stillness in action

I dreamt of the alchemy of intention

I dreamt of question marks

I dreamt of stillness in action

I dreamt of intention


the wave

that I was talking to

I tried to tame it with good looks

I thought she could hear me out

and a breath put me in motion

and the fire of the question got me talking

without words

from within the wave

my journey and my home

fire in water

what is alive in me

a trembling light of truth

I am the guardian of that fire

I am touching the opposites

I am becoming the in between

I am learning to breathe

I am holding the flame in the wave

I am learning to breathe

living and acting in the space between

And I welcome the call

whenever I can hear it

I listen to the breath that walks me in


after the wave scrapes the bottom

and while I keep my eyes on the flame

the dust settles into new patterns

and nothing gets lost

and nothing gets lost


we are stubborn in breath

we are persistant in being

looking closely at the mess that was left,

I saw questions

questions about difference

questions about integrity,

questions about openness.

how do I learn to stay in the question ?

how do I learn to live in the question

with truth and an open heart?

my eyes are frown

and I am so focused it hurts my ears

and my eyes swell up

and I cannot see

and I cannot hear

I see myself drop the question mark

and I have had to sit

and I wear my question mark like a crown

I have to dive in the wave of living otherness

find the sameness in the difference

and the difference in the sameness

and all arrows point

towards that cushion of discomfort

and I feel sucked towards the grey zone

and I now wonder

where is the color?

and I start peeling the layers to see them shine

and I learn to sing my question marks


going deeper into the grey zone

truth lies beyond words and beyond the heart

the depth lies in the surface

the flame is shining light on the heart

and I take the time to taste whatever comes up

it is the taste of the grey zone

it is the taste of stones

the salt of the waves

the salt of the tears of my peers

it is the salt of the tears of the multitudes before us

tears of joy and grief and pain and gratitude

in that time where I taste

I sense, I feel the grey zone where we practice

I live the change that is emerging

with always more questions rising.

and then come back to the flame

of intention.

Is what I am doing feeding life?

Is what is alive in me alive in you?

I am dancing in the wave

eyes slowly opening up

uncertainty is where I live


As I build the muscle of presence

with the confidence to speak from the heart

with a desire to care for what is alive

I step into the fear of the body

I step into the gaze of the other

I step into my learning edge

the wave is eroding my defenses

as I hang on to the torch

my eye firmly planted into the shadow of the question,

I project on the wall of my resistance

to build the trust of ethical practice

I want to listen to the body

I want to learn the heartbeat

and move with the breath

I am growing in my power

to let my breath lead me

where my heart is sitting

and show it to you

so that together we can dance for a while

and so that we can learn to listen

and so that we can explore the power of that tiny flame,

and so that we can learn to wear the torch and create a vision together

lighting up the grey zone

of learning

where I am meeting my other selves

where I see new possibilities

I become the question mark


What is clarity?

when do we need it?

how do we use it?

how do we serve it?

I become the question mark

We get our power from the grey zone

where we breathe together

in safe uncertainty

I become the question mark

between fire and and water

something is sprouting

something is alive

I become the question mark


we are sitting still

we are no longer immobile

we have met and we are fertile soil


there was loss on the way

there was a dance

a craving to find the fire again

at times where it had been lost

a focus on the initial spark.

I am the keeper of that fire of practice

and simplicity weaves a basket for that fire

I carry it where I go

I am warmed up by it

it lives with me

I walk with it

I walk through, unconscious, blind

open the eyes when the fire weakens


I enter the dance,

keep the invitation

and I remember that invitation is a verb.


what is my truth?

and where does that truth come from?

and how do I share my truth with you?

without forcing it on you?

but in true spirit of openness?

how do I carry my flame?

without blowing yours?

I am the question mark

I want to build a home around the flame

and the flame will keep us warm

and the stories we build will make us wise

there, in the circle around the fire,

there, in the eye of our home,

we are calling for the wave

we learn that knowledge leaks

there, in the circle around the fire

there, in our common zone of ignorance

I cannot lie to you

as I attempt to weave with you the story

that the wave is waiting to take


after the wave comes the harvest

the question has taken new shapes

what is there, after the wave,

what is there as I wait for the next wave?

where does the need to build stories come from?

I build houses for the mind, made out of sand

like castles I trace on the beach

my castles of meaning

patiently, quietly, relentlessly

until they are swept away

And I learn persistence

and as I mourn these lost traces of my meanings

I look at the torch I am carrying

I see the shadows it is throwing on the sand

the shadows stretch further and contort

and I build more homes

the castles of meaning are swept away

and I am left with the next questions


a basket with red-hot coals

with the trembling flame of my question

I step in the dark

there is excitement

and the images abound

and generate more images

I blow the light and tell you who I am

I carry the light and I am the question mark

I hear your gifts and learn the game

I play games seriously

I dance with the life in me and you

I am throwing myself in flow

I dance on the way towards you,

I dance in the dance

I dance and by dancing I build

I am bowing to what is alive in us right now

I am bowing to what is alive in you right now

I am honouring the gifts

I am bowing to the life in me that resonates with the life in you

I am stretched towards you,

in full patience

acting from the grey

acting from the wave

acting from the heart

acting from the question

acting with your gifts

I care for what is alive between us, here and now

from my seat in the wave, I can create

I can support the world that is emerging.

from my seat in the wave can I hear the call.

this is a journey whose destination is a journey

the water in the wave is never the same

I breathe. I observe. I am ready. I feel no fear.

from my seat in the wave I listen. I am ready.

from my seat in the wave I am like water

what is ethical practice?

it is alive in the encounter

it is alive in the here and now humility

that allows me to see you and create with you

something that was not there

I live the question mark when I create with you

something beyond what we know

when we meet, in the interstitial pockets

between what lies between our stories

there is no end in sight to the vertigo

there is the question that leads to more questions

where new flames start flickering

we tend to the questions as a tribe

we build the pit, one wooden stick at a time

we tangle we dance we fall

we recreate from the ashes

something that will help us breathe better

in the wave


how do we harness the power

How do we dance together

and discover now ways of walking

without shattering our bones?

even in motion, there is stillness

through which I look for the trembling world that is sprouting

see the cycle of life and death

and the power to build the world we need

being human is dancing

between chaos and order

I am practicing the delicate art of balancing rocks

I am deciding between noise and silence

between chaos and entropy

I tend to the process of learning for life

we tend to what is alive

and needs to grow

we tend to what is dead

and needs to go


As I live I dive into the doubt

I carry the flame of questioning

deep into myself

As I live I tend the flame

and suspend the answer

as I live I breathe uncertainty

I walk away from the comfort of easy answers

as I practice I look for safety in uncertainty

I walk the chaordic path

knowing full well that we are together in different spaces

as I live I welcome guests into their grey zone

as I live I inhabit the edges of what I know

I do not know what I will find there

as I live I keep a link with what is known

a rope that connects me to the surface

as I dive into the wave

as I live I look for the fine line that separates chaos and order

where creation can come up


simple is complex

simple is zooming in stillness

simple is an open field

so that magic can take foot

simple is an open field of living relationships

rewiring connections for new possibilities and new worlds

we will be walking oft-travelled paths, but creating new journeys

and new experiences for a new kind of conversation

that touches the heart and feeds the fire

from the grey zone of accepted and open ignorance

the practice is learning in practicing

life.

I will come and walk with you

I will come and watch you walk

what is alive in you

and how you enchant the world

I will listen to your stories and how you crafted them

I will trace new homes in the sand

temporary order to the world

through inquiry I tend the fire

with which we build our power

I do not ride the wave

I am in the thick of it

I learn to be like water

alive and grounded in groundlessness

I see blind spots in the corner of my eyes

but I will not act blindly

I paint escapes in my gaze to the littlest traps


how do I make my choices?

between action and non-action.

how will I determine where I stay upright, and where I bend with the wind?

how will I know what must stay fuzzy and what should be smoothed out?

we are not fixated in time nor in space.

we are simple and practice stillness

and we learn by understanding our actions as they come into being in the world

and we learn by letting go of our mistakes

and we learn by inhabiting the opening between action and reflexion

we extract meaning

dig beyond language

but what does that mean?

for us, to ask what is alive?

at any present moment?

where I stand, what is alive?

what are we caring for, what is alive?

– what is here –

simplicity is humility

humility is inquiry

here and now humility

I am building up power

power to hear the calls,

power to make the calls

I can wake up to the calls


All along the journey

we carry the question together

the questions we are looking for are wicked

they breathe around paradox

the answers are in flux

the answers are in action

they walk us towards our learning edge

they face inwards towards what we cannot see in ourselves

they shine a light on what stays in the dark

so that we can throw them in the cauldron

of our emerging power

we create

our maps of the world

maps of our own lives

maps of our roads to change

we carry the question together

how do I act in the world?

we carry the question together

we carry the question together

and build our cathedral of power

from the moving center of the wave

we tend to the question mark together

we become the stewards for the exploration

what are the stories I tell myself

about what is fake, and what is real?

we tend to the question mark together

we learn to care for the living process

we learn our dance of water

Le pouvoir des espaces


J’étais récemment avec un client pour concevoir ensemble un atelier participatif pour une quinzaine de personnes, dans le but de les amener à penser collectivement à un projet de centre qui sera un atout pour leur quartier.

C’est un processus assez simple, où on alterne entre des moments de réflexion individuelle, des moments en petits groupes et des moments collectifs de dialogue en cercle. Dans ces contextes, qui fait quoi et où (dans quels espaces) est important. La conception d’un processus participatif est donc un travail de chorégraphie pour savoir quand utiliser quel espace, avec qui. Quelle est la signification de notre organisation dans l’espace? À quoi ça sert? Il y a une intention à chaque moment et chaque élément d’un tel atelier, et l’espace ne fait pas exception à cela.

Durant cette rencontre, ce qui m’a frappé c’est l’importance de cette respiration entre des moments concentrés ensemble, autour du centre du cercle, et des moments divergents où on explore une question seul ou en groupe. Le cercle est la structure qui marque physiquement la rencontre. C’est une manifestation spatiale forte de quelque chose qu’on cuisine tous ensemble: un creuset dans lequel on distille une intention commune et à partir duquel un sens et une forme peuvent prendre corps. Chaque personne assise dans le cercle peut voir le centre, peut voir les autres. Nous sommes tous de la même taille, les deux pieds collés au sol. Et même s’il y subsiste des différences de pouvoir entre les membres du cercle, la structure manifeste l’intention de donner une valeur à la voix et la présence de chaque personne. Contrairement à ce qu’on entend parfois, ce n’est pas le lieu qui égalise les différences, au contraire. Le cercle est un espace créé et tenu de manière très intentionnelle, où la différence et la divergence peuvent être nommées, accueillies et honorées.

Le cercle est la structure dans l’espace où la rencontre a lieu. Quand le temps vient de commencer le travail qui nous amène ensemble, tous sont invités à y prendre place. C’est l’espace où on est invité à parler avec intention et à mettre la parole et la présence au service de ce qui nous réunit. C’est aussi l’espace où on est invité à écouter et accueillir collectivement. On y revient toujours: c’est l’espace où on souffle après avoir pris une respiration à l’extérieur.

Sortir du cercle, c’est s’extraire du collectif pour aller prendre une respiration ailleurs: réfléchir individuellement à une question, prendre un moment pour explorer un enjeu plus profondément avec d’autres personnes. On travaille seul ou en petit groupe, on diverge. On va se nourrir à l’extérieur du cercle. Puis on y revient pour converger à nouveau et nommer ensemble ce qui est en train de devenir: nommer les clartés, nommer les tensions aussi. C’est une manifestation spatiale de la communauté qui est entrain de devenir, sous nos yeux, dans toute sa complexité.

C’est ce mouvement, cette respiration que je peux tenir de manière complètement présente et intentionnelle en tant qu’hôte de processus. Les personnes qui sont invitées et présentes dans le cercle tiennent l’expertise de leur contexte: ils amènent leurs vies, leurs expériences, leurs savoirs, leurs intuitions, leurs questions, leurs craintes, et leurs rêves. Le rôle d’un hôte, c’est vraiment de s’assurer qu’on respire ensemble, qu’on partage le même souffle durant le temps que nous partageons.

L’espace nous rend le service d’être une manifestation physique de ce rôle d’hospitalité: on navigue dans différents espaces pour différents types de travail. Ces espaces ont différentes qualités: pour un petit groupe, ou une conversation à deux, on crée une bulle d’intimité. Pour travailler sur un document, rentrer dans une question ou écrire quelque chose à plusieurs, on peut placer des tables. Dans chaque cas, la fonction de l’espace est différente, l’espace s’organise selon des intentions différentes, et cela doit être reflété. On crée des seuils entre les différents moments d’un temps passé ensemble. Changer d’espace et changer de place fait partie de ces seuils: on se prépare à fonctionner différemment en changeant de place.

Revenir en cercle après avoir travaillé un peu autrement, c’est passer un autre seuil, pour porter la responsabilité de ce qui s’est dit ou créé dans le moment qui a précédé. Quand ces éléments de clarté ou de tension sont nommés, ils entrent eux aussi dans un autre espace et deviennent partie du collectif. Tout ce qu’on dit et tout ce qu’on fait dans cet espace du cercle est important, et prend une valeur particulière: dans cette transition, on passe de quelque chose qui existe entre un petit groupe d’individus à quelque chose qui a une existence dans le collectif. Le cercle accueille cela.

L’espace dans lequel on travaille collectivement n’est jamais neutre, ou détaché du processus et du produit final. Il est à la fois l’écrin et l’hôte. Comment on l’aborde et on l’aménage est une fractale de ce que nous essayons de créer dans le monde. En prendre soin, y mettre de l’intention, c’est donner une charge supplémentaire au contenant que nous créons. Plus ce contenant est chargé, plus on se donne de chances de réussir à canaliser l’intelligence collective au service de notre intention commune.

Nos espaces nous accueillent. Prenons en soin, et ils prendront soin de nous.

What is the art of social innovation?

Photo by Michael Fenton on Unsplash

The fundamental purpose of social innovation should be to bring more beauty, peace and justice to the world. Its practices call for the capacity to listen and learn from shifting contexts and social landscape, and to co-design with others solutions to the issues that affect our communities. It takes into account existing and future relationships, notions of place and sovereignty, and requires a keen understanding of complexity and emerging ways to work with an eco-system mindset.

Social innovation is social because it rests on an explicit theory of social development and is rooted in the idea of progress: making society « function » better for everyone. First and foremost, it is social because it involves people. It calls for engaging people in the enhancement of their quality of life and figuring things out together. It is social because it involves an ability to work with a wide diversity of perspectives, levels and experiences, and to listen and act from a strong ethics of service and care. This requires curiosity, honesty and humility. It is social because it suggests a capacity to hold tensions and paradoxes that are at the heart of every human collective and get the work done because (and not in spite) of that.

Social Innovation is also social because it is anchored and embedded in places and territories and communities. Social innovations are tightly linked to the contexts from which they originate. They answer needs and reflect aspirations in communities. They foster a sense of belonging. Moreover, the very nature of the territory on which they emerge here (Canada) adds another layer of complexity to this : there is an intimate link between social innovation and the question of reconciliation, which may be the single most important social and ethical question that we have to learn to be in as Canadians in this century and in this place. If, as I believe, there is no social innovation outside of place, then in turn it means that a movement for social innovation needs to name and acknowledge its relationship to colonial power and the erasure of First Nations presence on the territory. The real work of social innovation is decolonization. It is un-settling in its core.

The word innovation suggests the idea of the new. However, social innovation is not so much about a new « thing » as much as it is about a capacity to see a social context with new eyes and perspectives. It means working from an understanding that reality is not fixed, that problems and contexts evolve and that the innovation truly lies in our ability to see the future as it takes shape, and move with it. Social innovation calls for an increased capacity to take in the complexity of the systems we live in, and shift the unhealthy patterns that create them and are created by them.

When put together, the social and the innovation parts help us broaden our understanding of our reality and the possibilities that it harbours. At the heart of this is the notion of the ecosystem, and of ecosystemic capacity building: the capacity to see beyond self and organization and present relationships, towards something that is much more fluid, dynamic, diverse and connected to life. Social innovation expands the sense of possibilities that are available to us, and shows us what we as humans can do together when we put our minds, hearts and wills in service of a purpose bigger than ourselves. Social innovation involves learning to be in our full capacity as humans, which I consider to be the most pressant need we have if we are to collectively tackle the urgent social, ecological and ethical challenges of our time. Only then will we become the collective force for the regeneration of planetary ecosystems that we can be.

Right, left, straight ahead, back up.


5 questions to navigate the choices life throws us

Une version française de cet article est disponible ici.

A few months ago, I was sitting at a restaurant table across from three gentlemen I have the pleasure to work with, and for whom I have a tremendous amount of respect. Above the remains of an excellent meal, the conversation gently veered towards the principles we hold that preside to our choices. Each of these choices we take, wether as individuals or as communities, are grounded in assumptions and principles. Often these principles remain implicit and unconscious. But what becomes possible for us when our choices are powered by conscious, explicit principles?

Eight weeks ago, I left the vehicle that I thought was my working anchor: Percolab. For the last few years it has been my lighthouse and my home — the place that grounded my identity as a professional and practitioner. It was my learning and belonging ground, and I was blessed to be building it with a group of fellow human beings with whom it seemed to me that nothing was impossible. No obstacle could not be overturned. No conversation was off-bound. I had found my Home, and I had gained superpowers.

Still, after all these years where Percolab was to me a beacon of stability, a few weeks ago I felt a sense of exhaustion gradually take me over. I was tired. Blocked. Incapable of moving forward. I understood that the collective was moving in a direction that was not mine, and I felt out of breath. Percolab was scaling, developing, getting out of its shell, and it was beautiful to see. I needed connection, learning, depth. I needed to breathe, and slow down to a rhythm that would allow me to breathe and grow again. It is when I understood that, that I decided to leave, and change directions. A point of bifurcation presented itself. A choice was made. But what was behind this choice?

This is where I am coming back to this notion of principles, whether they appear in the projects we lead or in other spheres of our lives. What is it that leads us to choose a direction over another, to accept or decline projects? Months ago, this was the heart of the conversation around the small restaurant table. And I remember that to this simple question: « what is it that leads to accept or decline work? » one of us had answered that the question for him was to know whether that project was going to help him become a better person. These few words, to me, felt like someone had hit a gong bell.

I stayed with this answer. And I took it as my own. I then understood that, for me too, this had been a leading principle in my life and work choices. And now this was explicit. The work I had done, and the work I was going to do, had to help me become a better person. And today I want to explore what my other principles are. Without surprise, it is a list of questions. A living list, bound to expand and change over time, only because clarity is not so much a result as it is a process of infinite unveiling.

1. Does this project help me become a better person?

We are all engaged in a process of humaning — becoming human beings. And f I want to participate in the emergence of a more desirable future for all, it begins with transforming myself. It begins with recognizing the powers that I hold and those that I have inherited. I have a privilege, a voice, a status that I did not earn. I know how to navigate the dominant culture, because I look like it, because it was created by people like me. I want to participate in a fairer, more equitable world, a world where each human being can be seen, heard, honored, and can rise to its potential. It begins with seeing and recognizing my own relationship with power, privilege, voice. I want and I call for work and projects that help me learn about myself, about others, and where I can grow into a more powerful, a better version of myself.

2. Does this project add more beauty to our world?

Cultivating beauty, to me, means holding the line between what is and what what we want to see, and be. Beauty is in congruency. Some people like to speak about alignment. Care and inquiry are my weapons to touch this congruency. I want to invest my energy in spaces that will enable me to sharpen those weapons, projects that are explicit about cultivating for this kind of beauty in our world.

3. Does this project instill a bit of fear in me?

If yes, that is a good sign. I want to work in projects to push me towards my edge. I know that where there is that trembling, that fear, that is also where learning is. We tremble because we touch a limit, a potential that is not yet manifested or named. I am calling for projects that get me to touch that untapped power, that give me the space to uncover it by jumping into the unknown.

4. Will this project leave the world in a better shape than when it started?

I want to help those who do good work, by taking of themselves and others. I want to help those who want to do good work through working better. I listen. I inquire. I reframe. With kindness and openness. And together we become able to uncover the darker patterns, the shadow sides, what is outside the frame and what limits us. Together we develop our capacity to see the rocky parts where our good intentions get stranded. Together we learn to practice from our unknowing to wider the range of what we know.

5. Will this project help us make wiser choices, collectively?

I want to be in co-learning with others of my full capacity as a human being, with all my strengths and my vulnerabilities. This means that I want to learn how we can be together in spaces where we get to explore our gifts, and where those gifts are wanted and called. I want to support the emergence of a new culture of being, thinking and doing together. We need to learn how to see and listen to this new culture. We need to learn how to rediscover it. We have learned to hide it to our senses. We can learn to express it again through new and old practices of listening and caring: caring for others, and listening for what life is calling from us. Only then will we become able to make wiser choices and fully participate to the well-being of what my 7-year old Rachel calls, in her infinite wisdom: “the kingdom of Life”.

What if we learned

together

the art of humaning

to better see one another

and know one another and

help each other

fulfill our full potential

in service of Life?

What about you? What are some of your big and small principles to choose where your steps will lead you?