Un jardin d’épices communautaire, une bibliothèque libre-service, un comptoir à samosas… Beaucoup de gens aimeraient réaliser un projet ou une activité qui améliorerait leur ville. L’initiative 100en1jour leur ouvre un espace pour laisser libre cours à leur créativité.
Cet événement est coorganisé par la Maison de l’innovation sociale, qui est un partenaire de la Fondation McConnell, ainsi que par la Ville de Montréal et l’Institut du Nouveau Monde. L’équipe du programme Des villes pour tous est fière de partager les leçons tirées de l’édition 2018 de 100en1jour et a hâte à l’édition 2019.
Qu’est-ce que 100en1jour?
L’idée est simple : 100 actions réalisées par des citoyens ordinaires, comme vous et moi, pour créer la ville dont nous rêvons.
Pourquoi toutes le même jour? Pour que les acteurs de changement puissent, ce jour-là, se joindre aux autres amoureux de la ville et sentir qu’ils font partie d’un mouvement de transformation communautaire où l’union fait la force. C’est un jour pour se rassembler, pour participer à ce que certains appellent un « festival de création ». D’un océan à l’autre, des centaines de citoyensposent en une seule journée un geste pour améliorer leur ville. En 2018, près de 800 actions ont été effectuées à l’échelle nationale.
100en1jour est le prototype d’une ville créée par ses citoyens. Il s’agit d’unedémarche citoyenne qui permet à chacun de réapprendre à habiter sa ville, de manière consciente et festive. Les actions peuvent prendre diverses formes, que ce soit un grand ménage de rue, un atelier de création participative pour trouver des solutions aux petits et grands problèmes d’un quartier, une marche animée pour explorer le potentiel de l’espace public, un échange de vêtements ou encore un atelier de fabrication de cartes postales pour souhaiter la bienvenue aux réfugiés. Chacun est libre d’organiser l’activité qu’il veut, à l’endroit et à la période qui lui conviennent, tant qu’elle est ancrée dans l’altruisme et dans une vision dela ville commeun lieu où la vie et les gens peuvent s’épanouir.
Bâtir la ville en retissant des liens
Nous nous tenons sur le trottoir, coin Sherbrooke et Beaconsfield, à Montréal. Sous une tente, des personnes sont assises autour d’une table couverte de matériel d’artisanat. Elles fabriquent des cartes postales pour souhaiter la bienvenue aux nouveaux immigrants et réfugiés. Les visages sont souriants. Les échanges sont animés. Des enfants courent partout. Les rires fusent. Sur chaque carte postale, un conseil ou quelque chose que la personne qui l’a fabriquée aurait aimé savoir lorsqu’elle est arrivée ici. Des liens de solidarité se tissent. Les nouveaux arrivants et les personnes qui les accueillent sentent qu’ils existent et qu’ils sont importants.

Nous sommes dans une église de la Petite-Bourgogne. Un groupe de personnes partage du pain. Toutes sortes de pains,préparés selon différentes traditions. Des ronds, des longs, des plats, des moelleux. Tout le monde les voit, les accepte et les goûte. Écoute les histoires qu’ils portent. Que tous ces pains différents aient pu se retrouver sur cette table, dans une église montréalaise, est un véritable miracle qui laisse entrevoir quelque chose de profondément ancré dans le quotidien de la ville. Comme me l’a dit un jour Philip Deering, un aînéHaudenosaunee de Kahnawake : « Nous avons tous la même taille ».

Tous ces projets qui s’inscrivent dans le mouvement 100en1jourracontent l’histoire d’une ville que les gens aspirent à habiter. Ils témoignent d’une soif d’échanges interculturels féconds, d’un besoin d’avoir un lieu offrant de multiples possibilités d’interaction entre les cultures.
Une grande variété de cultures coexistent à Montréal et façonnent son tissu social. Vague après vague, les immigrants ont fait de la ville ce qu’elle est aujourd’hui. Selon le Bulletin de la Communauté métropolitaine de Montréal, plus de 85 % des immigrants du Québec habitaient Montréal en 2013. La diversité est devenue une marque distinctive de la ville, de même qu’une source de fierté pour ses résidents.
Malgré tout, les actions de 100en1jour visent souvent à mettre en évidence des besoins que les citoyens souhaitent combler, tout en proposant des façons d’y arriver. Elles révèlent le manque d’espaces, délimités ou non, favorisant le dialogue entre les personnes de différentes cultures.
Toutefois, les citoyens qui ont déjà tissé des liens avec de nouveaux arrivants et avec les différentes cultures et communautés de la ville ne ressentiront peut-être pas le besoin d’organiser eux-mêmes des activités visant à renforcer ces liens. Malgré l’amour de la diversité qu’affichent en général les Montréalais, les actions posées dans le cadre de 100en1jour dénotent aussi la présence d’une certaine fracture ou distance. La ville pourrait-elle ne pas être aussi ouverte à la diversité qu’on le prétend généralement?
On constate ainsi une tension entre les valeurs communes professées par les Montréalais, soit l’inclusion et le respect de la diversité, et ce qui se passe vraiment dans l’espace public, notamment la fracture sociale. Cette tension recèle cependant un potentiel créatif, parce qu’elle peut motiver les personnes qui chérissent ces valeurs à imaginer des solutions et à agir.
L’initiative 100en1jour est néed’unequestion : que devrions-nous faire pour créer la ville que nous rêvons d’habiter? Étant la somme de petites interventions de citoyens ordinaires, lesquelles constituent autant de prototypes de la ville qu’ils aspirent à habiter, 100en1jour ne manque pas de réponses à cette question. Pendant cette journée d’actions créatrices, les participants revendiquent le monde dont ils rêvent et composentensemblele prélude de l’histoire qu’ils veulent vivre.
Pour faire de la ville un espace commun, il faut trouver des façons d’en prendre soin ensemble, ce qui est impossible sans des communautés soudées qui se définissent par un liend’appartenance à un territoire. Cela dit, un tel renforcement des identités communes demeure un exercice délicat, qui doit se faire en évitant de dévaloriser la culture propre à chacun.
Un engagement profond
Ces exemples de Montréalais qui accueillent de nouveaux arrivants ou partagent du pain sont une fenêtre ouverte sur une ville d’avenir où la diversité fait partie intégrante du quotidien. Chacune des interventions permet à des concitoyens de différents horizons de passer du temps ensemble. En passant à l’action, les participants lancent des projets qui répondent à des besoins qu’ils perçoivent et qui s’inscrivent dans leur quête d’inclusion et d’unité.
Ces projets citoyens reposent sur des mécanismes d’engagement civique et de cocréation plus complexes que ceux auxquels font appel la plupart des autres projets de développement urbain. Ils offrent l’occasion d’aller à la rencontre d’autres personnes et de faciliter leur intégration là où elles vivent, de valoriser leurs expériences et de reconnaître leur droit à une vie épanouie. Cela nécessite cependant d’être curieux et ouvert à d’autres réalités et expériences. Cela nous appelleaussi à raconter noshistoireset ànous assumerdans nospropresexpériences de vie.
Il serait naïf de croire que, parce qu’elles sont l’œuvre de citoyens, ces actions peuvent être organisées par n’importe qui. Le fait est que, bien souvent, les personnes qui prennent part à de telles actions participatives sont déjà motivées par le désir d’agir et ont déjà accès aux ressources nécessaires.
En tant que société, nous nous devons de corriger le tir. L’initiative 100en1jour permet de faire un pas vers les personnes différentes de nous et de combler une partie du fossé qui nous sépare d’elles et nous empêche de nous réaliser pleinement. Ce n’est toutefois qu’une partie de la solution. Bien qu’il ne faille pas exagérer les résultats d’une telle expérience, nous pouvons nous réjouir du fait que des gens prennent la peine de faire ce premier pas pour renforcer leurs liens avec les autres, même si ce n’est que l’espace d’un jour.
Les expériences et démarches d’innovation collective telles que 100en1jour reposentsur le pariqu’il existe enchacun denous une volonté et un désir de nous ouvrir à l’autre et à sa différence, etque nous pouvons y trouver duplaisir. Si le pari nous donne raison, cela nous ouvre un espace pourdécouvrir quel’amourpeutêtre une pierre angulairepour la création de communautés solidaires et tournées vers la vie.